martes, 13 de octubre de 2015

Le Diable et le Bon Dieu (1951)

                                Pièce en trois actes et dix tableaux. Création à Paris, théâtre Antoine, le 7 juin 1951. Mise en scène Louis Jouvet, décors Félix Labisse, réalisés par Émile et Jean Bertin, costumes Francine Galliard-Risler, réalisés par la maison Schiaparelli. Avec Pierre Brasseur (Goetz), Jean Vilar (Heinrich), Marie-Olivier (Catherine), Maria Casarès (Hilda), Henri Nassiet (Nasty), R.-J. Chauffard (Karl), Maurice Dorléac (le banquier), Jean Toulout (Tetzel) et Anne-Marie Cazalis, Maria Meriko.      


                                Sartre, comme Simone de Beauvoir l'indique dans ses Mémoires, réunit une très abondante documentation historique sur l'Allemagne pour l'écriture de sa pièce. Mais l'idée première avait été inspirée à Sartre par le Rufian dichoso de Cervantès, que Jean-Louis Barrault lui avait raconté en 1943 alors que tous deux donnaient des cours à l'école de Charles Dullin. Commencée dès le début de l'année 1951, la pièce est achevée durant les répétitions ; celles-ci s'avèrent difficiles à cause de la tension avec Jouvet, qui opère des coupures dans un texte de quatre heures, des écarts de Pierre Brasseur et des inquiétudes de Simone Berriau.

                                Grand succès public, cette "machine de guerre contre Dieu" fait scandale notamment dans les milieux catholiques. On mesure la difficulté de la presse à comprendre Sartre au moins lors des premières présentations : "Blasphème dérisoire" pour Daniel-Rops, "Y a pas de bon Dieu" pour Thierry Maulnier, "défection au rendez-vous de l'histoire" pour Elsa Triolet, ou "athée providentiel" pour Mauriac. Le jeu appuyé et cabotin de Pierre Brasseur, en particulier dans la seconde partie, où Goetz se convertit au bien, a peut-être entretenu le contresens sur la pièce. Mais précisément Pierre Brasseur et plus tard, dans une interprétation à l'opposé de la sienne, François Périer sont les vecteurs de la dénonciation de l'effet théâtral (héroïsme, passion de l'absolu, postures). Ils stigmatisent le mythe du comédien "cabotin refoulé".


La pièce se situe dans la continuité de l'œuvre de Sartre et illustre des propos tenus dans son Saint Genet : "La loi de toute rhétorique, c'est qu'il faut mentir pour être vrai." Le théâtre de Jean Genet est là, contenu dans une phrase, mais c'est également l'un des messages du théâtre de Sartre.

L'intériorité du jeu de François Périer, dans la reprise au TNP en 1968, sa simplicité madrée et la sobriété de la mise en scène de Wilson font ressortir les qualités de l'œuvre, centrée davantage sur le thème de la morale que sur le sujet métaphysique de l'existence de Dieu. Michel Contat considère que la pièce a de nombreux points communs avec Saint Genet et en constitue le meilleur commentaire philosophique. Sartre livre aussi un dilemme d'ordre personnel : "J'ai voulu traiter du problème de l'homme sans Dieu [.] parce qu'il est difficile de concevoir l'homme de notre temps entre l'URSS et les États-Unis et dans ce qui devrait être le socialisme." En montant la pièce en 2000, Daniel Mesguich faisait remarquer : "L'an 2000 n'est pas le temps de Sartre, et voilà pourquoi nous pouvons mieux le lire. Toute intentionnalité, réelle ou présumée, de l'auteur a fondu à l'épreuve du temps, et ce qu'il reste, c'est l'écriture précise et flamboyante[.]. Je voudrais monter Le Diable et le Bon Dieu comme s'il avait été écrit par Cervantès ou un Shakespeare français dans les années cinquante en France." 

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