Analyse
Les phénomènes
dans L’Etre et le Néant
Dans
l’introduction, Sartre détaille les raisons de son rejet du concept kantien de
noumène. Kant distingue les phénomènes, objets d’expérience sensible, des
noumènes, autrement dit les choses en elles-mêmes, dont la connaissance nous
échappe. Contre Kant, Sartre affirme que l’apparition d’un phénomène est pure
et absolue. Le noumène n’est pas inaccessible, il n’est tout simplement pas là.
L’apparence est la seule réalité. De ce point de départ, Sartre soutient que le
monde peut être vu comme une série infinie d’apparences finies. Une telle
perspective permet d’éliminer les dualismes classiques de la philosophie,
notamment la dualité intérieur/extérieur.
La conscience est
ce qui permet au monde d’exister. Sans elle, il n’y aurait pas d’objets, pas
d’arbres, pas de rochers: seulement l’être. La Conscience est toujours
intentionnelle, elle est conscience de quelque chose. La conscience vise le
monde et le fait advenir en tant que monde pour une conscience. La “loi d’être
du pour-soi est sa présence au monde” (citations de Sartre). La conscience est
ainsi injustifiable, contingente, et factice.
Le pour-soi et l’en-soi dans L’Etre et le
Néant
Sartre décrit
ensuite la distinction hégélienne qui structure son ontologie : celle entre
l’être inconscient (en-soi) et l’être conscient (pour-soi). L’en-soi est figé,
plein et n’a pas la capacité de changer, et n’est pas conscient de lui-même. Le
Pour-soi est conscient de sa propre conscience, mais il est également
incomplet, ouvert, en construction. Pour Sartre, cette indéfinition, cette
incomplétude est ce qui définit l’homme. Puisque le pour-soi n’a pas d’essence
prédéterminée, il est forcé de se créer à partir du néant. Pour Sartre, le
néant est la caractéristique qui définit le pour-soi. Un arbre est un arbre et
n’a pas la capacité de modifier ou de créer son être. L’homme, au contraire, se
fait lui-même en agissant dans le monde. Au lieu d’être simplement comme
l’arbre, l’homme existe. Exister signifie n’être pas. Sartre va même plus loin
en affirmant que “l’homme est ce qu’il n’est pas et n’est pas ce qu’il est”. En
effet, l’homme est doté d’une conscience qui lui permet de se regarder, il est
une conscience de conscience : ainsi, le timide qui prend conscience de sa
timidité ne sera plus un timide naïf, mais un timide conscient, donc différent.
Si l’homme se
choisit, c’est pour donner un sens à ses actions : l’individu se projette
lui-même en attribuant un sens à son action, à partir de ses caractéristiques
concrètes (comme sa nature physique) pour mieux les nier.
Le paradoxe ici
est grand. Le pour-soi désire devenir un être-en-soi, faire de sa subjectivité
un objet. Le pour-soi est la conscience, mais l’instance de cette conscience
fait de son être propre une question, une fissure irréconciliable entre
l’en-soi et le pour-soi. Le rêve du pour-soi est d’être en-soi.
Grâce à la prise
de conscience de ce qu’elle n’est pas, le pour-soi devient ce qu’elle est: un
néant, entièrement libre dans le monde, une toile vierge sur laquelle tout est
à créer. Il conclut que le pour-soi est l’être à travers lequel le néant arrive
au monde, et, par conséquent, que le pour-soi est un manque, déchiré entre son
unité et sa dualité.
La temporalisation
du Pour-soi :
Le Pour-soi comme
manque, et donc comme tâche, se révèle dans la temporalité. En effet, le
pour-soi n’est pas identique à son passé ni son avenir. Il n’est déjà plus ce
qu’il était, et il n’est pas encore ce qu’il sera : grâce au temps, l’homme ne
coïncide jamais avec lui-même. Sartre décrit les extases temporelles
(passé/présent/futur) :
– le passé
correspond à la facticité d’une vie humaine qui ne peut pas choisir ce qui est
déjà passé. Le passé est ce que j’ai à être, mais en même temps, je ne le suis
pas car je l’ai dépassé. Le passé est toujours reprise et dépassement.
– le présent n’existe
pas réellement car il est une fuite vers le futur. L’exemple de la cigarette
est parlant : je veux fumer une cigarette, je suis projet, au futur, de
l’allumer.
– Le futur, lui,
ouvre des possibilités pour la liberté du pour-soi. Mais la liberté et la
facticité forment une incohérence au sein du Pour-soi, génératrice
d’instabilité. Sartre reprend la conception heideggérienne : l’homme est un
“être des lointains”, il n’est pas, il se possibilise. C’est donc le futur qui
constitue la temporalité majeure du Pour-Soi.
Autrui et le
Pour-Soi :
Autrui apparaît à
Sartre comme le médiateur entre moi et moi-même. Je suis comme autrui me voit.
Le Pour-Soi renvoie de cette façon au Pour-Autrui. On ne constitue pas autrui,
on le rencontre : je ne puis ne absorber autrui en moi, ni le constituer en pur
objet car c’est lui qui me fige en en-soi. Autrui prouve que j’ai mon fondement
hors de moi, il me confère un dehors, une nature : “Ma chute originelle, c’est
l’existence d’autrui”. Ma défense, ma réaction sera de tenter de faire d’autrui
un objet à son tour.
Le corps dans
l’Etre et le Néant :
Sartre cherche à
repenser la relation corps/esprit telle qu’elle a été développé depuis
Descartes. Ainsi, il affirme que le corps n’est pas uni à la conscience, il est
“tout entier psychique”. Le corps est par conséquent plus q’une simple
composante du Pour-Soi, il est un Pour-soi à part entière, et non un En-Soi
dans le Pour-Soi. Il n’y a pas identification entre le corps et la conscience,
mais plutôt une relation existentielle entre le corps et la conscience : “la
conscience existe son corps”.
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