domingo, 8 de noviembre de 2015

Qu est-ce que l’existentialisme ?
L’existentialisme est un courant de philosophie plaçant au cœur de la réflexion l’existence individuelle, la liberté et le choix personnels, thèmes qui furent traités en littérature aux XIXe et XXe siècles par des écrivains associés à ce mouvement de pensée.

Qu’est-ce que l’existentialisme?
L’existentialisme est un courant philosophique et littéraire qui postule que l'être humain forme l'essence de sa vie par ses propres actions, en opposition à la thèse que ces dernières lui sont prédéterminées par de quelconques doctrines théologiques, philosophiques ou morales. L'existentialisme considère donc chaque personne comme un être unique qui est maître, non seulement, de ses actes et de son destin, mais également, pour le meilleur comme pour le pire, des valeurs qu'il décide d'adopter.

Thèmes abordés
Opposé aux grands systèmes philosophiques et englobant des vues d’une grande diversité, l’existentialisme se caractérise par des grands thèmes liés à une préoccupation majeure : l’existence individuelle déterminée par la subjectivité, la liberté et les choix de l’individu.

Individualisme moral
Plusieurs écrivains existentialistes reprirent l’idée de Kierkegaard (XIXe siècle) selon laquelle l’homme doit choisir sa propre voie sans se référer à des critères universaux. S’opposant à la conception traditionnelle du choix moral qui implique de juger objectivement du bien et du mal, les existentialistes n’admettaient pas qu’il existe une base objective et rationnelle aux décisions morales. Au XIXe siècle, Friedrich Nietzsche déclarait qu’il incombait à l’individu seul de décider de la valeur morale de ses actes et des actions d’autrui.

Subjectivité
Tous les existentialistes accordaient une importance capitale à l’engagement personnel et passionné dans la recherche du bien et de la vérité. Aussi cherchaient-ils à démontrer que la science n’est pas si rationnelle qu’on le suppose communément. Pour Nietzsche, par exemple, l’hypothèse scientifique qui attribue un caractère ordonné à l’Univers est au fond une fiction qui ne se justifie qu’en tant qu’hypothèse de travail.

Choix et engagement
Le thème le plus marquant de l’existentialisme est sans doute celui du choix. La plupart des existentialistes font de la liberté de choix le trait distinctif de l’humanité considérant que les êtres humains ne sont pas programmés par nature ou par essence à la façon des animaux ou des plantes. Par ses choix, chaque être humain crée sa propre nature. Selon une formule devenue célèbre de Jean-Paul Sartre, « l’existence précède l’essence ». Aussi le choix est-il central dans l’existence humaine, et il est inéluctable; même le refus du choix est un choix. La liberté de choix implique engagement et responsabilité. Parce qu’il est libre de choisir sa propre voie, l’homme doit, selon les existentialistes, accepter le risque et la responsabilité inhérents à son engagement, quelle qu’en soit l’issue.

Anxiété et angoisse
Kierkegaard pensait qu’il est essentiel pour l’esprit de reconnaître que l’on n’éprouve pas seulement de la peur face à certains objets spécifiques mais aussi un sentiment général d’appréhension, qu’il appela « angoisse » et qu’il interprétait comme l’invitation faite par Dieu à chaque individu à s’engager dans une voie qui soit bonne pour lui. Le terme « angoisse » (en allemand Angst) acquit une importance similaire dans l’œuvre de Martin Heidegger. Selon le philosophe allemand, l’angoisse mène l’individu à la confrontation avec le néant et à l’impossibilité de trouver une raison ultime aux choix qu’il doit faire. Dans la philosophie de Sartre, le terme de « nausée » désigne l’état d’esprit d’un individu qui prend conscience de la pure contingence de l’Univers, et celui d’« angoisse » est employé pour qualifier la conscience de la totale liberté de choix à laquelle se confronte à tout instant l’individu.

Existentialisme et littérature
Du fait que de nombreux philosophes existentialistes eurent recours à des formes littéraires pour véhiculer leur pensée, l’existentialisme fut un mouvement aussi fécond en littérature qu’en philosophie. Les romans de l’écrivain juif de Prague Franz Kafka, tels que le Procès (1925) et le Château (1926) mettent en scène des individus isolés, luttant seuls contre une bureaucratie insaisissable et menaçante. Les thèmes de l’anxiété, de la culpabilité et de la solitude propres à Kafka reflètent l’influence de Kierkegaard, de Dostoïevski et de Nietzsche. On peut également discerner l’influence des penseurs existentialistes dans les romans d’André Malraux et dans les pièces de théâtre de Sartre. L’œuvre d’Albert Camus est également associée à l’existentialisme en raison des grands thèmes abordés par l’existentialisme, comme celui de l’apparente absurdité et la futilité de la vie, de l’indifférence de l’Univers et de la nécessité de l’engagement en faveur d’une cause juste. On retrouve également ces thèmes dans le théâtre de l’absurde, notamment dans les pièces de Samuel Beckett et d’Eugène Ionesco.

Caractéristiques de l’existentialisme
·         L’écrivain existentialiste est socialement politiquement engagé.
·         Il est autant philosophe qu’auteur. Ses récits et son théâtre ont pour arrière-fond une philosophie où « l’existence précède l’essence » (Sartre), faisant de la liberté, de la responsabilité et de l’angoisse le propre de l’être humain.
·         Le récit existentialiste présente souvent un même cadre narratif de base, composé d’une situation extrême, d’une crise existentielle et d’un choix existentiel qui mènent toujours à une solution ambiguë.
·         Le récit existentialiste aborde trois thèmes majeurs et récurrents : l’absurde, la liberté et le rapport à autrui.
·         Le ton du discours existentialiste est d’une franchise qui peut parfois s’avérer crue.
·         Le style existentialiste est minimaliste, presque antilittéraire.

·         La narration n’est pas omnisciente et utilise le « je » subjectif.

sábado, 7 de noviembre de 2015

Le roman 

Introduction
Depuis les romans de chevalerie du Moyen Âge, le roman n’a cessé de se diversifier, montrant un dynamisme exceptionnel tout au long de son histoire. Le roman répond au désir d’évasion du lecteur, mais il rencontre également les préoccupations du temps, anticipe sur les mutations de la société, dénonce les conventions sociales en leur opposant les vérités profondes des désirs et des passions. Humour, passion, engagement : la vitalité du roman se manifeste à travers le renouvellement des formes et des situations romanesques, à travers les prises de conscience qu’il suscite chez le lecteur, la quête des valeurs nouvelles qu’il lui propose. La diversité des genres romanesques témoigne de cette formidable énergie du roman.

Les éléments constitutifs du roman
Définition du mot « roman » À l’origine, le mot « roman  » désigne la langue courante populaire, parlée en France avant l’ancien français, qui s’oppose au latin, la langue des érudits et des clercs. Puis il désigne un récit médiéval écrit en vers ou en prose adapté de la littérature latine. Depuis le XIII e siècle, le roman est une « œuvre d’imagination constituée par un récit en prose d’une certaine longueur, dont l’intérêt est dans la narration d’aventures, l’étude des mœurs ou des caractères, l’analyse de sentiments ou de passions, la représentation du réel on de diverses données objectives ou subjectives ». (Grand Dictionnaire encyclopédique, Larousse).
Le déroulement ou intrigue Un roman est constitué d’événements qui s’organisent en une intrigue. Celle-ci est composée de plusieurs séquences, c’est-à-dire de passages qui forment une unité sur le plan du temps, des lieux, de l’action et de l’intervention des personnages. Une intrigue romanesque présente une structure-type représentée par le schéma suivant: État initial Transformation État final.

Les personnages
● On distingue les personnages principaux des personnages secondaires. Si le personnage principal se signale par une destinée remarquable (heureuse on malheureuse), on peut le qualifier de héros.
● Le personnage de roman peut être appréhendé selon : – son être : identité, apparence, psychologie ; – sa fonction : rôle qu’il joue dans le roman.
● On distingue quatre fonctions possibles du personnage romanesque :
– sujet : c’est le héros de l’histoire ;
            – objet : c’est celui que le héros cherche à atteindre ;
– adjuvant : c’est celui qui aide le héros à réaliser son désir ;
– opposant : c’est celui qui fait obstacle au projet du héros.

L’espace
● C’est le cadre matériel dans lequel évoluent les personnages.
● Le roman présente un espace ouvert lorsque les lieux sont diversifiés, un espace restreint lorsque le lieu est unique. Certains lieux ont une portée symbolique : par exemple, dans La Peste d’Albert Camus, la mer est un symbole de pureté, d’espoir et de renaissance.
● Les lieux sont des marques qui permettent de situer une époque, un milieu social. Pour étudier les fonctions des différents lieux, il faut repérer les décalages, les jeux d’oppositions et les correspondances avec la psychologie et l’évolution des personnages dans le roman.
Le temps
● L’étude du temps dans un roman permet d’évaluer la durée des événements rapportés. Cette durée peut être brève ou étendue.
● Une narration ne rapporte pas toujours les faits dans leur déroulement chronologique. Le narrateur peut :             – ménager des « retours en arrière » on « anticiper » en racontant un événement ultérieur ;
– sauter une période: on parle alors d’ellipse ;
– résumer les événements marquants en quelques lignes, même s’ils ont duré longtemps : il s’agit du sommaire ;
– mettre un événement en valeur en s’y attardant : c’est ce qu’on appelle une scène.

Le narrateur
● Il existe deux modes de narration :
— le narrateur fait connaître sa présence: il s’adresse au lecteur à la première personne en conduisant son récit ;
— le narrateur est absent: l’histoire, racontée à la troisième personne, semble « s’écrire toute seule ». La plupart des romans réalistes du XIX siècle suivent ce mode narratif.

● On peut parfois distinguer, à l’intérieur d’une œuvre, plusieurs voix narratives ou bien des récits emboîtés, pris en charge par d’autres narrateurs que le narrateur principal.

viernes, 6 de noviembre de 2015

Type de Roman

Le roman d’analyse Le roman d’analyse se consacre à explorer les sentiments de personnages souvent partagés entre l’amour et la vertu, le désir et le renoncement. Dans un décor resserré, le roman d’analyse décrit leurs réactions devant une passion soudaine qui les déborde, un choix de vie difficile. Anxieux, tourmentés, les personnages interprètent les attitudes, les paroles, les regards des autres; ils s’analysent eux-mêmes, avec exigence, avec lucidité. Écrit dans un style sobre et dépouillé, le roman d’analyse s’illustre au XVII e siècle avec La Princesse de Clèves de Mme de La Fayette, dans un siècle qui aime l’étude des caractères. On le retrouve à l’époque romantique, mais aussi au XX e siècle avec, par exemple, La Porte étroite d’André Gide.

Le roman par lettres Les personnages rapportent leurs découvertes, confient leurs émotions, entretiennent le dialogue avec un être cher. Si la lettre est l’occasion de rapporter directement un témoignage, d’exprimer un sentiment, elle est aussi moyen de séduction, conquête du destinataire. Dans le roman par lettres, l’échange des lettres multiplie les points de vue, fait avancer l’action. Lettres secrètes, perdues, interceptées : les intrigues se croisent, le roman progresse à travers le jeu subtil des correspondances. Le roman par lettres connaît son plein essor au XVIII e siècle qui privilégie l’échange des idées et des sentiments. Ironie philosophique, exaltation des passions amoureuses, stratégies du libertinage, le roman épistolaire donne ses chefs-d’œuvre : les Lettres persanes de Montesquieu, La Nouvelle Héloïse de Rousseau, Les Liaisons dangereuses de Laclos.


Le roman autobiographique Il ne faut pas confondre le roman autobiographique avec l’autobiographie d’un écrivain qui fait le récit de sa propre vie. Le roman autobiographique met en scène un personnage fictif qui, arrivé au terme de son existence, raconte son histoire au lecteur à la première personne. Avec ses succès, ses échecs, le héros traverse les milieux les plus divers, tandis que l’écrivain joue du regard que le narrateur vieillissant porte sur le jeune homme – enthousiaste, amoureux – qu’il a été. Dans la première partie du XVIII e siècle se multiplient les romans autobiographiques: Gil Blas de Santillane de Lesage, Le Paysan parvenu de Marivaux. Chateaubriand le reprend dans René, Balzac dans Le Lys dans la vallée. Nombreux sont les écrivains qui aujourd’hui rapportent ainsi l’itinéraire social, sentimental de leur héros.

Le roman historique Faire revivre le passé, recréer l’atmosphère d’une époque disparue: le romancier offre alors au lecteur un univers romanesque ancré dans l’Histoire. Les personnages fictifs croisent des personnages historiques, évoluent dans un cadre minutieusement reconstitué. Le pittoresque des lieux, des objets, le charme du dépaysement s’ajoutent à l’évocation des conflits politiques et militaires, des structures sociales, des confrontations idéologiques qui ont animé une époque. Si dès le XVII e siècle les lecteurs apprécient les romans historiques, c’est au XIX e siècle que le genre triomphe: le siècle du Progrès se penche sur son Histoire. Les musées se multiplient; le mouvement romantique redécouvre l’Antiquité et le Moyen Âge. Des écrivains prestigieux, Hugo, Dumas, Barbey d’Aurevilly, Alfred de Vigny, des romanciers populaires comme Paul Feval illustrent ainsi le roman historique.

Le roman réaliste L’écrivain réaliste construit son récit, présente ses personnages de manière à donner au lecteur l’impression de la réalité. Les lieux de l’action appartiennent au monde réel ; les personnages traversent des situations empruntées à la vie quotidienne. Aux XVI e et XVII e siècles, le roman réaliste, proche de la farce satirique et burlesque, donne une grande place au corps. Il montre au XVIII e siècle le rôle de l’argent dans la société. Au XIX e siècle, Balzac, Flaubert, Maupassant, Zola, les frères Goncourt démontent les mécanismes sociaux qui écrasent les individus, soulignent l’influence du milieu et de l’hérédité, font place — parfois dans de vastes fresques romanesques — ceux qui sont exclus : le peuple, les pauvres, les prostituées. Les romanciers du XX e siècle poursuivront l’héritage des écrivains réalistes et naturalistes : représenter la réalité et « fouiller le vrai ». 

Le roman d’aventures Le roman d’aventures projette le lecteur dans un univers différent du sien. Il provoque le dépaysement à travers la diversité, la singularité des lieux ou entraîne l’action. Les rebondissements sont nombreux, les obstacles rencontrés obligent le héros à faire preuve d’audace et de courage, de ruse et de force. Dans le roman de chevalerie, le héros part en quête de « l’aventure » pour montrer sa bravoure. Au XIX e siècle, Jules Verne intègre la science, associant l’exploration trépidante de la terre avec le développement des découvertes techniques. Au XX e siècle, Malraux et Saint-Exupéry renouvellent le roman d’aventures : refusant les médiocrités, les conventions sociales, l’aventurier s’engage dans un dépassement de soi. L’action est pour lui un défi qui donne un sens au monde. Tels sont les héros des Conquérants ou de Vol de nuit.


Le roman policier L’usage de l’esprit scientifique, du raisonnement logique stimule par la découverte d’un crime fait le plaisir du roman policier. À la société civilisée qui veut bannir toute violence, effacer tout désordre, le crime lance un défi. Un vol, une disparition, une mort brutale conduisent le héros à trouver des indices et des mobiles, interroger les suspects, résoudre l’énigme. Au terme de son enquête, la violence a été déchiffrée, l’ordre restauré… Le roman policier évolue du plaisir intellectuel d’identifier le coupable à l’exploration de l’univers glauque des mégapoles modernes: du roman à énigme au roman noir. C’est que les grands détectives, Sherlock Holmes (de C. Doyle), Rouletabille (de G. Leroux), Hercule Poirot (d’A. Christie), Maigret (de G. Simenon) ou Philip Marlowe (de R. Chandler), ne traquent pas tel ou tel criminel, mais le Mystère lui-même. À travers le brouillard, l’épaisseur d’un milieu, dans l’ombre où s’agitent les pulsions refoulées du monde moderne.

jueves, 5 de noviembre de 2015

Histoire culturelle et histoire littéraire
Dans la mesure où, selon les définitions généralement admises, l’histoire culturelle se veut « histoire sociale des représentations » , des manières dont les hommes représentent et se représentent le monde qui les entoure, il était inévitable qu’elle rencontre l’histoire littéraire et qu’elle s’efforce d’entamer avec elle un dialogue plus ou moins constructif. Dès ses premiers balbutiements d’ailleurs, cette façon d’envisager l’imaginaire des groupes humains entretenait un commerce intime avec la littérature canonique puisque l’un de ses fondateurs, le britannique Richard Hoggart enseignait cette discipline à l’université de Birmingham. Étendant ses recherches aux lectures de la classe ouvrière anglaise des années 1930-1950, il en était venu à consacrer une partie de ses activités au roman policier ou au roman sentimental, deux genres particulièrement prisés par ses contemporains quoique interdits de cité et de citation dans les dissertations des étudiants d’Oxbridge à cette époque. S’il parlait d’une culture populaire dominée, en se refusant à verser dans la nostalgie populiste qui encombre tant d’évocations du passé, Hoggart proposait de prendre au sérieux les loisirs des mineurs, des métallos ou des dockers et, sans porter de jugement esthétique ni éthique sur ces passe-temps, de les traiter avec le même respect que s’il s’agissait d’opéra, de théâtre classique ou des poètes élisabéthains. En ce sens, il traçait un programme stimulant d’enquête qui devait aboutir à tordre le cou aux théories qui en stérilisaient l’approche, notamment celle, par trop mécaniste, de l’aliénation, qui aboutissait à traiter ces occupations comme un nouvel opium du peuple.
Au moment où The Uses of Literacy était traduit en français , et sans qu’il y ait de lien direct entre ce livre et ceux qui allaient suivre, Pierre Abraham et Roland Desné, le premier représentant l’esprit du Front populaire, le second la génération marxisante des universitaires de l’aprèsguerre, se lançaient dans la monumentale entreprise de ce qui allait devenir l’Histoire littéraire de la France, douze fort volumes publiés entre 1974 et 1980 qui faisaient eux-mêmes suite à la série des Manuels d’histoire littéraire de la France entrepris en 1967. S’opposant aux conceptions de l’histoire littéraire qui avaient dominé l’université française de Brunetière à Lanson, en passant par Doumic, Faguet et quelques autres, les deux chefs d’orchestre inscrivaient délibérément leur projet dans une autre perspective : rédiger, non pas une énième histoire des écrivains français, sagement rangés dans leur époque dont ils étaient censés exprimer à la fois l’esprit et le plus haut degré de culture, mais une histoire littéraire, c’est-à-dire un essai d’inscription de la fiction et de la littérarité dans le monde qui les a vu naître et se former. C’est pourquoi chaque volume de cette somme s’ouvre, en principe, sur des chapitres concernant l’état de la France du point de vue de l’école, de l’alphabétisation, du commerce du livre, de la librairie ou de la presse, pour ne citer que ces aspects d’histoire de la civilisation matérielle. On trouve ainsi au tome VII (1794-1830) des pages importantes de Pierre Orecchioni sur le cabinet de lecture et son rôle pendant la Restauration ou, au tome VIII (1830-1848), des paragraphes de Claude Duchet qui permettent au lecteur de prendre en compte les apports de la sociocritique à la compréhension des textes. Sans être nécessairement très aboutie, ni toujours répondre aux vœux des concepteurs, cette Histoire littéraire de la France cassait les périodisations séculaires, totalement incohérentes pour un historien, et annonçait assez largement l’état d’esprit qui devait présider, outre-Atlantique, à la mise en chantier de La Vie littéraire au Québec, une vaste fresque qui accorde aux institutions de lecture, aux supports et vecteurs les plus divers de l’imprimé, ainsi qu’au système éditorial, toute l’importance qu’ils exigent.

Parallèlement à l’élaboration de ces programmes de recherche et à la révélation de leurs résultats, les longues heures passées par un Gallois, professeur à l’université du New South Wales en Australie, Martin Lyons, sur la très riche série F 18 des Archives nationales de France, aboutissaient en 1985 à la publication d’un chapitre consacré aux « best-sellers » au XIXe siècle dans le tome III de l’Histoire de l’édition française  et, en 1987, à celle d’un volume en tous points remarquable, Le Triomphe du livre : une histoire sociologique de la lecture dans la France du XIXe siècle  qui, tous deux, remettaient radicalement en question la vision littéraire de cette période. En définissant le romantisme comme « la crête fugitive d’une vague sur un océan de classicisme et de catholicisme » et en affirmant que ce terme — le romantisme — « ne semble pas une notion adéquate pour résumer les goûts de l’époque », il invitait les historiens du culturel à se pencher, sans préjugés ni répugnance, sur les œuvres réellement plébiscitées par les Français du temps. Rappelant la gloire de Béranger — numéro un au hit-parade des années 1826-1830 avec un tirage global de ses Chansons estimé à 150 000 exemplaires  — de Lamennais, de Pellico, de Daniel Defœ, d’Eugène Sue, de Dumas père, de Walter Scott, mais aussi de Lamartine et de Chateaubriand, ce que l’on savait, il plaidait pour une saisie complexe de ces phénomènes. Par leur place à l’école, les classiques du XVIIesiècle se taillaient la part du lion et seuls le Catéchisme de Fleury et la Petite Histoire de France de Mme de Saint-Ouen pouvaient rivaliser avec les Fables de la Fontaine. Si l’existence du cabinet de lecture, décisif pour la lecture publique, et celle du feuilleton-roman de la presse quotidienne à partir de 1836 exigent de nuancer ces résultats bruts tirés de l’examen minutieux des registres de tirage des imprimeurs français, il n’en demeure pas moins qu’ils offrent de la littérature nationale du XIXe siècle une image presque inversée par rapport à celle que véhiculent depuis des décennies les manuels scolaires de Lagarde et Michard ou ceux de Castex et Surer, deux séries qui ont amplement contribué à former la sensibilité et le jugement esthétique d’innombrables cohortes de lycéens au XXe siècle. Si on ne lit pas Martyn Lyons et ceux qui ont poursuivi son enquête, on a peu de chance d’entendre parler des véritables succès de la monarchie de Juillet ou de Chaste et flétrie de Charles Mérouvel et des Deux Orphelines d’Adolphe d’Ennery, pourtant deux des plus forts tirages de la Belle Epoque.

miércoles, 4 de noviembre de 2015

Poursuivant sur le terrain emprunté par Martyn Lyons, la sociologie de la lecture, on ne peut manquer d’évoquer enfin les travaux d’un autre Britannique, Donald F. McKenzie, dont les études relatives à la bibliographie matérielle ont obligé à revoir complètement les théories sur le caractère autosuffisant des textes qui firent florès à l’époque où Roland Barthes enseignait au Collège de France. A partir des œuvres théâtrales qu’on nomme « élisabéthaines » outre-Manche, McKenzie a en effet montré — et démontré — que le changement de présentation de ces œuvres dans les éditions du XVIIIe siècle en modifie radicalement la réception et les « popularise » en quelque sorte. Partant de cet exemple et étendant sa réflexion à l’ensemble des textes imprimés, Roger Chartier, Henri-Jean Martin et nous-même dans Michel et Calmann Lévy ou la naissance de l’édition moderne puis dans L’Argent et les Lettres, n’avons cessé de plaider pour une réinscription permanente de la poésie, du roman, du drame ou de la comédie, de l’essai et des genres moins nobles, le pamphlet, la satire, etc., dans un régime d’historicité qui leur donne sens et permette de comprendre pourquoi, éventuellement, le succès immédiat d’un écrivain du type d’Alexandre Dumas allait pratiquement lui interdire la canonisation par l’école secondaire — car le primaire a été plus généreux — et la reconnaissance ultérieure par l’université, les programmes de l’agrégation des lettres jouant dans ce domaine le rôle de la Légion d’honneur ou du Who’s Who pour l’affichage ostentatoire des récompenses symboliques.

Sans prétendre rendre ici hommage à tous ceux qui ont plaidé pour appliquer à la littérature les méthodes des sciences humaines, et l’on songe particulièrement au Roman du quotidien d’Anne-Marie Thiesse ou à Mesure(s) du livre d’Alain Vaillant  ainsi qu’aux travaux pionniers de René Guise et de Roger Bellet sur la presse, on proposera d’utiliser tous ces coups de sonde dans l’univers du littéraire pour inciter à écrire des histoires de ces phénomènes qui rendent compte aussi bien de leur production que de leur diffusion et de leur réception. Pour résumer en quelques grandes interrogations ce programme, on pourrait se fixer pour but d’essayer de répondre aux questions suivantes : que lit-on dans la période de référence, par exemple le XIXe siècle, c’est-à-dire la séquence de temps ouverte par la Révolution Française et refermée par la Première Guerre mondiale, soit les années 1789-1914 ou 1918 ? Où prend-on connaissance des textes lus ? À l’école, dans la rue, dans les cabinets de lecture, les bibliothèques, les librairies, les grands magasins ? Ou plutôt dans la presse, les quotidiens, les magazines, les revues ? Comment s’ap-proprie-t-on les œuvres diffusées ? Seul, en groupe, en famille, au cabaret, au théâtre, au caf’conç’, au music-hall, sur les boulevards, dans l’intimité de son foyer ? Pourquoi lit-on davantage tel type de littérature ou tel genre et non tel autre, la poésie, le mélodrame, le roman, l’essai, le pamphlet, etc. ? Quelle place occupent ces distractions, ces passe-temps ou ces occupations dans la vie quotidienne ? Sont-ils source de distinction ou, au contraire, de stigmatisation ? En y ajoutant le nécessaire examen des conditions juridiques qui entourent la publication des imprimés, du plus vulgaire au plus noble, on peut espérer dégager des problématiques qui sortent l’histoire littéraire de son cours habituel.

martes, 3 de noviembre de 2015

Biographie de Jean-Paul Sartre

21-06-1905 - 15-04-1980. 


Il est élevé par sa mère, veuve en 1906, qui est catholique, et par son grand-père maternel, Charles Schweitzer, protestant alsacien. En 1916, sa mère se remarie et Jean-Paul Sartre entre au lycée de La Rochelle. Il y devient le condisciple de Paul Nizan avec qui il prépare l'entrée à l'école Normale Supérieure. Il y entre en 1924, rencontre Simone de Beauvoir en 1926 et passe l'agrégation de philosophie en 1929. En 1927, Sartre traduit avec Nizan la Psychopathologie de Jaspers. Il accomplit son service militaire en 1929. Il est ensuite professeur de philosophie au Havre. Il lit les romanciers américains, Kafka et des romans policiers. En 1933, il part pour Berlin où il étudie Husserl et Heidegger.

Revenu au Havre, il écrit différents essais philosophiques (La Transcendance de l'Ego, L'imagination, publiés tous deux en 1936, Esquisse d'une théorie des émotions (1939)) qui introduisent en France la phénoménologie et l'existentialisme allemands. Il fait l'expérience de la mescaline.

Il écrit Erostrate en 1936 et voyage en Italie. Gallimard refuse Melancholia qui deviendra La Nausée, qui paraît en 1938 suivie de Le Mur (1939). Mobilisé, fait prisonnier, libéré en 1941, Sartre reprend l'enseignement. Par ailleurs, il se rallie au mouvement de résistance "Front National". En 1943, paraît L'Etre et le Néant, traité central de l'existentialisme athée. L'écrivain fait jouer Les Mouches en 1943 et Huis clos en 1944. Après la Libération, il publie les deux premiers tomes des Chemins de la Liberté, L'Age de raison et Le Sursis. Au cours de la même année 1945 il fonde la revue Les Temps Modernes et quitte l'enseignement. Il commence à entretenir des relations difficiles avec le parti communiste.

En 1946, pour répondre à ses détracteurs, il fait une conférence, L'Existentialisme est un humanisme. Cette année est celle où il fait jouer La Putain respectueuse et publie Réflexions sur la question juive. En 1947, il publie un essai sur Baudelaire. En 1948, il fait représenter Les Mains sales et fonde le Rassemblement démocratique révolutionnaire, qui est un échec. Il soutient le parti communiste jusqu'au soulèvement de la Hongrie en 1956.

En 1949, il publie La Mort dans l'âme, troisième volume des Chemins de h Liberté . En 1951 il fait jouer Le Diable et le Bon Dieu. En 1952 s'opère la rupture avec Albert Camus. Sartre participe au Congrès mondial de la paix et publie Saint Genet, comédien et martyr. Il s'élève contre la guerre d'Indochine (publication de L'Affaire Henri Martin, 1953). Il voyage en Italie et en URSS. En 1955, il fait jouer Nekrassov. 1956, voyages en Chine, Yougoslavie, Grèce. Il s'élève contre la guerre d 'Algérie (Préface à La Question, d'Henri Alleg). En 1959, il fait jouer Les Séquestrés d'Altona. En 1960, il voyage à Cuba et donne une suite à L'Etre et le Néant : Critique de la Raison dialectique. En 1964, il obtient le prix Nobel qu'il refuse et publie Les Mots. En 1971 il commence à publier L'Idiot de la famille, une importante étude sur Flaubert. Après Mai 68, il accorde son appui à différents mouvements gauchistes et à leurs organes de presse. Atteint de quasi-cécité il doit pratiquement abandonner ses travaux en cours.

Existence, Histoire, Ecriture, telles sont les variables dont il faut tenir compte pour aborder l'œuvre de Jean-Paul Sartre. De 1925 à 1944, il ne se soucie pas encore de l'Histoire. De 1944 à 1953, il mène de front l'œuvre littéraire et l'engagement politique. A partir de 1953, l'engagement politique l'emporte sur la littérature. Trois phases au cours desquelles les livres – romans, essais, théâtre – sont sous-tendus par une philosophie, l'existentialisme. Ainsi il est facile de discerner dans La Nausée l'influence de la pensée husserlienne quand Antoine Roquentin le héros se dit : "Exister c'est être là simplement... Tout est gratuit, ce jardin, cette ville et moi-même. Quand il arrive qu'on s'en rende compte, ça vous tourne le cœur et tout se met à flotter." La nausée devient le signe de l'authenticité de l'existence que ne fonde aucune valeur préétablie. Dés lors s'écroule le décor social bourgeois, peuplé de "salauds". Fuir l'existence est impossible, comme le montrent les nouvelles du Mur. Tenter de le faire, c'est encore exister. "L'existence est un plein que l'homme ne peut quitter."

A la veille de la guerre, Jean-Paul Sartre ne conçoit encore que des consciences intérieurement libres mais incapables d'agir sur le monde. En 1939, l'Histoire fait brutalement irruption. Il faut s'engager pour la façonner. Tel est le sens des Chemins de la Liberté où transparaissent des réflexions contenues dans L'Etre et le Néant. Dans le contexte historique des années 1938-1940, différents personnages accèdent par des voies différentes – selon la situation où ils se trouvent – à des degrés différents de liberté. L'Age de raison se situe à Paris en juillet 1938 et met en scène un professeur de philosophie, un homosexuel et un communiste, trois consciences isolées que le tourbillon de l'Histoire saisit dans Le Sursis, Histoire qui prend, selon la technique de Dos Passos, un aspect simultanéiste. La Mort dans l'âme montre comment la liberté parvient à modifier l'Histoire. Le quatrième volume, La Dernière Chance, n'a jamais paru intégralement.

Le théâtre, parce qu'il permet de toucher directement et tous les soirs un public différent, devait naturellement attirer Jean-Paul Sartre. C'était encore le meilleur moyen de diffuser ses idées. Les Mouches reprend le thème de la liberté, celle d'une conscience individuelle. En ce sens, cette pièce est au théâtre ce que La Nausée était au roman. De même Huis clos est-il le symétrique du Mur. Monde de prisonniers incapables d'exercer leur liberté parce qu'elle se heurte à d'autres consciences. "L'enfer, c'est les autres." Délaissant les mythes, les allégories, Jean-Paul Sartre va désormais porter au théâtre des situations concrètes, qui relèvent d'une Histoire plus ou moins récente avec Morts sans sépulture (1946) qui traite du problème de la torture.

La Putain respectueuse traite du racisme. Les Mains sales posent la question de savoir si l'on peut faire de la politique sans se salir les mains. Avec Le Diable et le Bon Dieu, Sartre parvient enfin à donner une expression pleinement dramatique au problème de la liberté. Dieu n'existe pas. Les hommes ne peuvent prendre leur destin en main qu'à travers les conditions politiques et sociales qui leur sont faites. Les Séquestrés d'Altona marquent un tournant dans la façon dont Jean-Paul Sartre se situe en face de son époque. La pièce est de 1959, au moment de la guerre d'Algérie. Elle pose des questions capitales : Les hommes font-ils l'histoire ? Oui, même ceux qui ne savent pas. Ils en sont responsables et solidaires de la violence.

Jean-Paul Sartre a longtemps éprouvé le besoin d'interroger l'acte de création littéraire, non pas dans une optique formaliste mais quant à ses répercussions sur la société. De là des recueils d'articles qu'il appelle Situations dont les quatre premiers s'étalent sensiblement sur les années 1936-1964 et contiennent notamment des textes sur Faulkner, Dos Passos, Giraudoux, Mauriac, Nizan. Dans l'un d'eux intitulé précisément Qu'est-ce que la littérature ? Sartre expose ses idées, qui vaudront pour toute l'œuvre à venir. "La parole est action", l'écrivain est engagé et il le sait. Il écrit pour que personne ne se considère comme innocent de ce qui se passe dans le monde. Le prosateur montre ce qui est et incite à transformer des situations.

On écrit toujours pour les autres. L'écrivain est une liberté qui s'adresse à d'autres libertés et propose des orientations. On écrit donc pour son temps placé devant des problèmes historiques et politiques à résoudre. Jean-Paul Sartre introduit ici des considérations philosophiques propres à l'existentialisme. Tout homme se saisit comme une "liberté en situation" et comme "projet" constamment ouvert sur l'avenir. Rejeté par sa mère pris d'épouvante devant sa liberté, Baudelaire accepte les valeurs traditionnelles du Bien et du Mal mais choisit le mal pour éprouver sa différence. Genet assume le nom de voleur que lui a donné depuis son enfance la société et transforme ce jugement en défi. Il fait ainsi acte de liberté mais accepte en même temps des catégories bourgeoises. Telle est la thèse de Saint Genet, comédien et martyr, où il s'agissait de "retrouver le choix qu'un écrivain fait de lui-même, de sa vie et du sens de l'Univers, jusque dans les caractères formels de son style et de sa composition, jusque dans la structure de ses images".

Dix-huit ans plus tard, Sartre reprend ce thème dans son monumental ouvrage sur Flaubert, L'Idiot de la famille. Mais ici, contrairement à ce qui se passe avec Genet, l'esthétique n'est plus qu'une fuite hors du réel, l'acceptation d'une situation historique favorable à une classe, la bourgeoisie. La névrose de Flaubert correspond du reste à la névrose de l'époque qui surgit à partir de Juin 1840. Avec Les Mots, Jean-Paul Sartre applique sur lui-même ce qu'il a appelé la psychanalyse existentielle : sa liberté s'est exercée contre une situation familiale qui le confinait dans un milieu bourgeois. En 1972, il a révélé ce que fut son propos en écrivant ce livre dès 1953. De l'âge de huit ans à 1950, il a vécu une vraie névrose. Rien n'était plus beau que d'écrire des œuvres qui devaient rester.


Il a compris que c'était un point de vue bourgeois. A partir de 1954, il est guéri et passe à une littérature militante. Tout écrit est politique. Et après Mai 68, il ne prend plus la parole que pour des actions ponctuelles sur le plan politique. En fait, depuis plusieurs années, en littérature comme en philosophie, se produit une évolution qui se fait en dehors de Sartre, voire contre lui. Le "nouveau roman" rejette toute espèce d'humanisme, fût-il existentialiste. Le structuralisme, à travers ses recherches dans le domaine de la linguistique, de la psychanalyse, de l'ethnologie et du marxisme, remet en cause les concepts d'Histoire et de sujet, les deux piliers de l'existentialisme.

lunes, 2 de noviembre de 2015

Camus vs. Sartre (Rare BBC Documentary)


"La liberté est choix."                  

 Jean-Paul Sartre